Une recherche menée au Canada dévoile une réalité préoccupante pour de nombreux parents : dès l’âge de 11 ans, certains pré-adolescents cherchent activement l’amour via des plateformes de rencontres en ligne, souvent fréquentées par des adultes. Le pédopsychiatre Stéphane Clerget analyse ce phénomène et ses causes.

Des pré-adolescents en quête d’amour en ligne

La recherche de l’amour n’est pas uniquement réservée aux adultes. Cependant, l’utilisation de sites de rencontres à l’âge de 11 ans (alors qu’on est encore en classe de 6ème) peut paraître prématurée et risquée. Néanmoins, c’est ce que révèlent les comportements d’un nombre significatif d’enfants selon une étude publiée le 22 mai dernier.

Un espace pour rencontrer selon leurs critères

L’étude canadienne a analysé les données d’une autre recherche sur le développement cognitif des adolescents, impliquant plus de 10 000 enfants âgés de 11 à 12 ans aux États-Unis. Parmi eux, plus de 250 enfants de 11 ans ont admis avoir déjà utilisé des applications et sites de rencontres pour trouver un partenaire ou au moins un flirt selon leurs critères (ce nombre pourrait être plus élevé en réalité).

Ce comportement est surtout observé chez les petits garçons et ceux s’identifiant à la communauté LGBTQIA+. D’après l’étude, ces pré-adolescents qui se reconnaissent comme homosexuels, lesbiennes ou bisexuels auraient 13 fois plus de chances de se tourner vers ces applications dès leur plus jeune âge.

Une solution pour les jeunes LGBTQ+

Consulté sur ce sujet, le pédopsychiatre Stéphane Clerget, auteur de *Comment devient-on homo ou hétéro ?*, n’est pas surpris par cette tendance qu’il constate également dans sa pratique.

« À 11 ans, on ne se préoccupe pas toujours de sa vie amoureuse, mais on peut commencer à en avoir une. Toutefois, si déclarer ses sentiments est envisageable pour un pré-ado mature et hétérosexuel, cela reste compliqué pour des enfants se reconnaissant dans l’homosexualité ».

Ainsi, les sites de rencontres, bien qu’inappropriés, se trouvent au carrefour de deux phénomènes :

« Ce qui est assez inédit, c’est cette revendication des pré-ados d’avoir un flirt homosexuel, ce qui n’était pas du tout visible il y a encore 5 ans. Je vois aujourd’hui des enfants de 6ème et 5ème, pas encore pubères, qui forment des couples avec des personnes de leur âge, normalisant ainsi leur relation ».

Parler ouvertement de ces relations reste toutefois complexe : « Même s’ils s’assument davantage, les jeunes LGBTQ savent que parler de leur orientation peut être difficile et les exposer à du harcèlement ou des agressions ». D’où l’intérêt de rechercher un partenaire en ligne.

Des risques de pédocriminalité en ligne

Bien que la proportion de ces adolescents sur les sites de rencontres soit faible et motivée par une recherche sincère, l’étude soulève des inquiétudes concernant les risques encourus : ces plateformes, tout comme les réseaux sociaux, peuvent être ciblées par des prédateurs sexuels et des pédocriminels cherchant des victimes vulnérables.

Les chercheurs recommandent donc une vigilance accrue quant à l’utilisation des réseaux par les enfants. Cependant, cette vigilance ne doit pas être la seule réponse. Une discussion avec son pré-adolescent sur les dangers en ligne (et sur sa vie personnelle) est également cruciale.

« La solution pour éviter ce risque ne devrait pas reposer uniquement sur l’interdiction », nuance le Dr Clerget. « Elle consiste aussi, et avant tout, à lutter contre l’homophobie au collège et à aborder plus librement les histoires d’amour entre personnes du même sexe. Cela reste encore difficile, mais c’est nécessaire pour l’égalité de tous ».